Les sagnes : milieux naturels humides à protéger

Notre plateau du Somail possède un trésor encore trop méconnu. Il s'agit des "sagnes" (ou tourbières), ces milieux naturels humides que nous trouvons en forte proportion par rapport à des régions plus calcaires. Ces endroits sont de véritables éponges permettant de retenir l'eau et de la laisser s'écouler peu à peu dans la terre et les ruisseaux évitant ainsi l'assèchement de nos paysages et l'épuisement des nappes phréatiques. Ils sont aussi de merveilleux écrins de bio diversité. Les sagnes ont longtemps été éliminées par drainage pour permettre de gagner en terre cultivable. Désormais, il s'agit de les protéger.

 

Penchons- nous sur ce qu'est une "Sagne".

Les sagnes représentent en France environ 55 000 ha. Ces milieux résultent de l’accumulation de matière végétale non décomposée constituant la tourbe. Les tourbières se forment lorsque le sol est constamment engorgé d’eau, sous un climat frais et humide. Elles se caractérisent par leurs formations végétales où dominent des végétaux hygrophiles (mousses, sphaignes, hypnacées, carex, roseaux, joncs...) dont la croissance engendre une accumulation importante de matière organique. Ce sont des milieux fragiles dont l’édification se réalise sur une période de 2 000 à 5 000 ans.

On distingue deux principaux types de sagnes :

  • les sagnes acides, dites à sphaignes, les plus fréquentes, dans lesquelles le pH de l'eau est très bas (souvent de l'ordre de 3,5), et que l'on trouve en montagne ainsi que dans les écosystèmes subarctiques (taïga et toundra),

  • les sagnes eutrophes, qui se forment dans des eaux neutres ou légèrement basiques (donc riches en calcaire dissous) propres aux fonds de vallée, et dont la végétation dominante est constituée par des carex, plantes amphibies vivaces voisines des graminées.

 

La forte acidité des eaux et/ou l'alternance d'exondation et d'immersion pendant la période estivale conduisent à la formation d'un matériau noirâtre, la tourbe, très riche en carbone, utilisée comme combustible dans de nombreuses régions d'Europe occidentale. L’intérêt écologique des signes réside notamment dans la présence d’espèces végétales et animales originales et spécifiques, témoins des périodes climatiques froides passées.

On associe souvent les sagnes aux plantes carnivores (drosera, grassette). Cependant, bien d'autres espèces méritent une attention particulière en raison de leur rareté. En effet, environ 6 % des espèces végétales prioritaires, menacées de disparition en France sont inféodés aux tourbières qui abritent également une quarantaine d'espèces végétales protégées au niveau national dont l'andromède, la Linaigrette gracile et la canneberge.

Les sagnes présentent aussi un intérêt archéologique et géologique reconnu. En s'accumulant sur des milliers d'années, la tourbe, par son pouvoir conservateur, a emprisonné des témoins biologiques ou matériels des temps anciens. Ainsi, l'étude des pollens "fossiles" des tourbières nous renseigne sur l'évolution de la végétation et des climats depuis au moins 12 000 ans.

 

FONCTIONS ET VALEURS:

D'un point de vue hydrologique, les sagnes constituent des réserves d'eau, jouent un rôle important dans l'alimentation des nappes phréatiques et possèdent un bon pouvoir épurateur. Elles ont une fonction de conservation de la biodiversité.

Actuellement , l'exploitation de la tourbe est surtout destinée à l'agriculture et le pâturage traditionnel des tourbières tend à régresser consécutivement à la dégrise agricole.

Cependant, par leurs intérêts patrimonial et paysager, ces milieux constituent un atout touristique potentiel et sont emblématiques de la qualité environnementale d'une région. Ainsi, pour répondre à la curiosité des touristes, des tourbières ont été aménagées pour l'accueil du public dans le respect du milieu (par exemple sur le Caroux, notre voisin).

 

Schéma d'une tourbière à l'état naturel :

Sous-sol minéral blanc, tourbe en pointillé.

1- butte

2- gouille

3- mare

4- gazon flottant

5- combe d'écoulement

6- pinède de tourbière

7- forêt de ceinture

8- marais de ceinture

9- bas-marais

"Les hauts-marais et marais de transition de suisse"

(source : Institut Fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage).

 

ÉVOLUTION ET MENACES :

Ce sont des milieux fragiles, rares et menacés en France. Plus de 50 % de la superficie des sagnes a disparu au cours des cinquante dernières années. Ce sont notamment les tourbières alcalines de plaine qui ont subi le plus de destruction en raison de fortes pressions d'aménagement. Les sagnes acides des reliefs, quant à elles, sont principalement victimes de la fermeture du milieu par le boisement et l'enrésinement.

Au cours des années soixante-dix, le développement de l'enrésinement, du drainage, voire du remblaiement, a entraîné l'élimination d'un grand nombre de sites. Aujourd'hui, on assiste globalement à la fermeture des milieux suite à un abandon des pratiques traditionnelles de gestion (fauche, pâturage).

Cependant, la multiplication anarchique et incontrôlée de plans d'eau de toutes sortes à des fins cynégétiques, touristiques, agricoles... constitue probablement la menace la plus grave pour les milieux tourbeux encore présents sur le territoire. Outre la destruction physique des écosystèmes, ces pratiques provoquent des perturbations hydrauliques entraînant l'assèchement du reste de la tourbière.

 

Pour en savoir plus, je vous conseille la lecture du dossier de la Chambre d'Agriculture du Tarn sur le sujet : https://tarn.chambre-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/Occitanie/074_Inst-Tarn/4-AGROENVIRONNEMENT/Biodiversite/2_Les_sagnes_du_Haut-Languedoc-ilovepdf-compressed.pdf